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Observatoire Chrétien de l'Entreprise et de la Société

L'OCHRES exerce une mission d'observation des problèmes économiques et sociaux, particulièrement de ceux qui relèvent des interactions entre l'entreprise et la société.

 
 
 
 
 
 

L’entrepreneur de PME face à l’embauche des jeunes Education et Formation

Dans un monde économique en changement, la formation professionnelle est l'élément clé qui commande à la fois la réduction du chômage et le progrès de la compétitivité. Pourtant, elle connaît des dysfonctionnements majeurs. C'est pourquoi il est apparu intéressant d'organiser la réunion annuelle des capteurs sociaux sur ce thème. Jean-Paul Lannegrace présente les orateurs :Michel Destouches, ancien vice-président de la Chambre de commerce et d’industrie de Paris chargé de la formation et plus particulièrement de l’apprentissage, Bernard Vivier, directeur de l’Institut supérieur du Travail, Alain de Brugière, responsable de la formation professionnelle et apprentissage au conseil régional d’ Aquitaine.  

 

L’apprentissage

 

Ingénieur, M. Destouches a été PDG d’une entreprise de 150 salariés dans le bâtiment. Il a été en charge de la formation continue aux EDC et a présidé l’Institut de formation du bâtiment d’Ile de France.

Il donne quelques chiffres globaux :


- Plus de 30 milliards d’euros sont consacrés à la formation professionnelle toutes dépenses confondues (31,3 milliards en 2009 dont dépenses des entreprises 41%, de l’Etat 26%, des régions 14%, des autres collectivités publiques 6% (dont assurance chômage 5%), des ménages eux-mêmes 4%, des fonctions publiques pour leurs agents 19%).

- Par catégories de bénéficiaires, la répartition est la suivante : actifs salariés du secteur privé 13 milliards, jeunes dont apprentissage 8 milliards, demandeurs d’emplois 4 milliards, agents du secteur public 6 milliards.

L’apprentissage proprement dit, qui va des formations techniques (CAP/BEP) aux diplômes des grandes écoles en passant par les BTS, est beaucoup moins développé en France (600 000) qu’en Allemagne (1,6 million). A cela, plusieurs raisons : les entreprises de taille intermédiaire, qui sont un gage de continuité favorable pour la formation, sont beaucoup plus nombreuses en Allemagne qu’en France et les entreprises y forment plus d’apprentis que nécessaire pour leurs propres besoins d’où une diffusion du savoir ; alors que dans les pays nordiques, les jeunes sont mis au travail technique après un ou deux ans de formation en école, en France l’accès aux entreprises est direct ; les entreprises françaises hésitent à s’engager dans l’apprentissage du fait des réactions syndicales internes mais aussi de l’instabilité législative en la matière et d’une certaine rigidité du contrat d’apprentissage, d’où la difficulté à trouver des places pour les apprentis : un tiers seulement des entreprises forment des apprentis, les grandes entreprises préfèrent acquitter la taxe  ; les tuteurs sont peu reconnus et mal récompensés ; les jeunes en France sont peu motivés pour l’apprentissage car l’orientation est mal faite et ne valorise pas cette voie auprès d’eux : la culture française fait qu’encore trop souvent l’apprentissage est considéré comme une filière d’échec (image des jeunes sous-employés ou au contraire exploités dans les très petites entreprises), tant par les parents que par les enseignants de l’Education nationale en général hostiles à l’entreprise, alors qu’en Allemagne la coopération entre le monde de l’éducation et les entreprises est bien meilleure ; en témoigne aussi le vocabulaire ambigu entre alternance et apprentissage.

 

Et pourtant les enquêtes auprès des jeunes formés par l’apprentissage montrent que la plupart sont satisfaits et exercent le métier correspondant à leur formation, alors que beaucoup de jeunes qui poursuivent des études purement théoriques font tout autre chose après.

 

M. Destouches signale des expériences positives en faveur de l’apprentissage : les Nuits de l’orientation pour les jeunes et leurs parents organisées par la Chambre de commerce de Paris ; les classes de pré-apprentissage pour les jeunes en échec scolaire afin de les préparer au choix d’un métier ; dans les métiers de la cuisine par exemple, la coexistence d’apprentis de différents niveaux (du CAP aux écoles de commerce) qui est d’un grand enrichissement ; localement, une bonne coopération entre Académie et Chambre de commerce (à Versailles par exemple) pour favoriser l’apprentissage.

 

Le Rapport Larcher

 

B. Vivier présente le Rapport Larcher sur « la formation professionnelle : clé pour l’emploi et la compétitivité » comme un rapport de circonstance qui pose les bonnes questions sur un sujet important. Commandé début 2012 par le Président de la République considérant que la formation des chômeurs devait être la priorité, ce rapport lui a été remis en avril 2012 (1) . B. Vivier rappelle que la formation professionnelle est en France l’affaire des partenaires sociaux depuis l’accord national interprofessionnel de 1970 suivi par la loi fondatrice du 16 juillet 1971.

 

Le Rapport Larcher relève les dysfonctionnements du système et fait quatre propositions principales : supprimer la contribution légale obligatoire pour les entreprises de 10 salariés et plus (alors que leur obligation légale est de 1,6%,  les entreprises de plus de 10 salariés consacrent en moyenne 3% de leur masse salariale à la formation professionnelle), reconnaître un droit à la formation professionnelle tout au long de la vie en mettant en place  un « compte individuel de formation », organiser une formation qualifiante pour tous les jeunes sans qualification en créant un « pacte de réussite professionnelle », instituer un « contrat formation emploi » pour les chômeurs.

 

Il ouvre trois chantiers concernant le pilotage, le financement et la qualité des formations (plus de 15 000 organismes délivrant des formations). Il pose la question de  ce que doivent faire les différents acteurs de la formation professionnelle : les entreprises, qui ont le devoir de former leurs salariés, les dispositifs mutualisés par branche, le niveau national interprofessionnel, les acteurs publics, régions ou Etat. Cela renvoie à la négociation sur le paritarisme et à la modernisation de la représentativité patronale. Par ailleurs la réforme des organismes collecteurs avec le relèvement du seuil de collecte minimal à 100 millions d’€ pour recevoir l’agrément entraîne une diminution de leur nombre et de ce fait implique une réorganisation des branches.

 

En Aquitaine

 

Responsable de la formation professionnelle au conseil régional d’Aquitaine après une activité en entreprise, A. de Brugière présente deux réalisations :

 

- Dans des locaux utilisés pour la formation professionnelle fermés par l’armée, un partenariat entre la région, les industriels de l’aéronautique, le rectorat et les organismes de formation a créé un centre de compétences d’excellence pour les métiers de la maintenance aéronautique, avec un rôle d’entraînement pour les autres entreprises de la région. Ce projet qui représente un investissement de 24 millions d'€, en grande partie financé par la région, a accès au grand emprunt et son budget annuel de fonctionnement est de 3,5 millions d’€. Il réunit sur un seul site toutes les voies de formation (formation initiale scolaire, apprentissage, formation continue, formation des formateurs) et vise à former aux métiers de l’aéronautique à tous les niveaux (CAP, bacs professionnels, BTS, diplômes d’ingénieurs avec Sup Aéro comme partie prenante). Il concerne tant les activités civiles que de défense et se tourne aussi vers la formation d’acteurs à l’étranger. Cet exemple suscite l’intérêt d’autres branches comme l’agroalimentaire, le bois et les métiers d’art.

 

-  Pour les jeunes les plus éloignés de l’emploi, des chantiers-école qualification leur sont proposés sur des projets très concrets correspondant à des besoins des municipalités et débouchant sur une qualification. 10 à 15 jeunes sont encadrés pendant 8 mois par les entreprises réalisant ces travaux et par une structure de formation qui délivre leur qualification. 80 chantiers de ce type sont en cours, constituant une sorte d’école de la 2ème chance.

 

Ces exemples montrent la nécessité d’une bonne coopération d’une part entre l’Etat et la région dans le respect de leurs compétences, d’autre part entre les entreprises et les structures de formation, pour mettre au point les formations correspondant aux besoins des entreprises et y attirer les jeunes ou les demandeurs d’emploi. « La formation professionnelle, il en faut mais il faut aussi des entrepreneurs », dit A. de Brugière. Il donne l’exemple de l’école de formation de Repetto montée avec l’aide de la région et le retour d’anciens pour transmettre leur savoir-faire. « Il faut valoriser l’effort de formation des entreprises », dit M. Destouches, « alors qu’on ne classe plus les entreprises en fonction du nombre de leurs salariés mais de leur chiffre d’affaires ». La notion de formation-« bidon » semble dépassée.

 

En conclusion, il est souligné l’importance de l’orientation et d’une bonne formation des orienteurs, mais aussi de l’écoute, du temps consacré à la personne, de la bienveillance, de l’accueil aussi bien de la part des orienteurs en milieu scolaire que du personnel de Pôle emploi ou des entreprises elles-mêmes. « Attention aux structures, le besoin de contact est primordial », dit M. Destouches. Et ce entre tous les acteurs.

 

Catherine Robert

 

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