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Observatoire Chrétien de l'Entreprise et de la Société

L'OCHRES exerce une mission d'observation des problèmes économiques et sociaux, particulièrement de ceux qui relèvent des interactions entre l'entreprise et la société.

 
 
 
 
 
 

Laïcité ouverte L'Islam et le Christianisme Respect des personnes, respect des doctrines

Une fois de plus, la gauche se déchire à propos de la laïcité. D'un côté, les partisans d'une laïcité «fermée » défendent la neutralité de l'espace public, dans la ligne de la loi prohibant les signes religieux « ostentatoires » à l'école. Les partisans d'une laïcité « ouverte » les accusent de pervertir la notion de laïcité - et de trahir l'esprit de la loi de 1905 - en mettant en cause la liberté de conscience. Ce débat oublie souvent les conditions concrètes d'une liberté qu'il revient à l'État non seulement de reconnaître mais aussi de garantir. Garantir une liberté ce n'est pas seulement ne pas s'y attaquer mais aussi s'employer à lutter contre ce qui, dans le fonctionnement de la société, est susceptible de l'entraver. Et, dans la France d'aujourd'hui, il y a fort à faire tant, dans cette perspective, l'islam fait question.

 

Nul n'ignore que, dans les pays où l'islam domine, il n'est pas question de liberté de conscience. Celle-ci impliquerait la possibilité de quitter l'islam pour se convertir à une autre religion, de ne pas respecter ses préceptes telle l'observation du ramadan ou, pour une musulmane, d'épouser un non-musulman. Même dans les pays d'islam dit modéré, il n'en est pas question, la pression sociale se combinant à la loi pour y faire obstacle.

 

En France la loi certes l'autorise. Mais dans les quartiers où l'islam est dominant, la pression communautaire est telle qu'une telle liberté n'est guère respectée. Comme le montrent tant de témoignages, les islamistes veillent, insultent ceux qui ne respectent pas le ramadan, harcèlent les filles qui ne portent pas le voile, sans parler de celles qui oseraient circuler en jupe. Garantir la liberté de conscience implique de lutter contre cette pression.

 

Idéalement, on pourrait concevoir un monde où une laïcité « ouverte », respectueuse du droit de chaque individu de croire ou ne pas croire, manifester ou ne pas manifester son appartenance à une religion, se combinerait avec une lutte efficace contre la pression communautaire, lutte qui ferait que c'est effectivement la liberté de chaque individu qui serait respectée. Mais comment faire pour y arriver ? Pour être efficace, une entrave communautaire à la liberté de conscience n'a pas besoin de violer ouvertement la loi. Un mélange insidieux d'intimidation, de pression morale, de menace d'ostracisme suffit. Et qui oserait réagir quand les mesures de rétorsion auxquelles s'exposerait celui ou celle qui oserait porter plainte sont dissuasives. L'omerta règne.

 

Dans ces conditions, une laïcité « ouverte », quelles que soient .les bonnes intentions de ceux qui la prêchent, laisse le champ libre aux salafistes, experts en prise de contrôle d'une population (en particulier à travers la tenue des femmes), ardents à faire des musulmans de France (dont ils admettent difficilement qu'ils sont français) un monde à part, protégé de l'influence pernicieuse des mécréants et des apostats. De ce fait, la passivité de l'État, loin de favoriser une intégration sereine de l'islam dans la société française, conduit à laisser agir ceux qui œuvrent à la diviser.

 

Dans ce contexte, la laïcité « fermée » n'est certes pas une réponse parfaite. Mais comment douter qu'elle constitue, sinon la meilleure, du moins la moins mauvaise de celles qui sont en pratique accessibles. Souvenons-nous, au moment des discussions sur le port du voile islamique à l'école, des appels de jeunes filles musulmanes suppliant que la fermeté de la loi les mette à l'abri des pressions communautaires. Elles comptaient sur cette fermeté pour pouvoir agir selon leurs convictions, affirmer leur désir de s'intégrer pleinement à la société française, sans être soumises à l'opprobre de leur entourage.

 

Les musulmans se plaignent souvent du fait qu'une telle laïcité les vise tout particulièrement ; ainsi la loi sur les signes religieux à l'école était en fait, comme on l'a souvent nommé, une « loi sur le voile islamique ». Mais comment pourrait-il en être autrement tant que l'islam n'a pas modifié sa vision de la liberté de conscience ? Ce sont bien les spécificités de l'islam qui sont en cause, et non l'attitude de la République à son égard. Espérons que l'Observatoire de la laïcité consentira à élargir suffisamment sa perspective pour défendre la liberté de conscience contre tout ce qui la menace.

 

 

Philippe d’Iribarne*

 

* Directeur de recherches au CNRS. Dernier ouvrage paru : « L'Islam devant la démocratie » (Gallimard, 2013).

 

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