L'OCHRES exerce une mission d'observation des problèmes économiques et sociaux, particulièrement de ceux qui relèvent des interactions entre l'entreprise et la société.
Commentaires sur les événements du trimestre
Planète rouge et homme en blanc
La Grande-Bretagne et l’UE sont parvenues à un accord sur le Brexit, de justesse avant le gong du 31 décembre, un peu comme dans le Tour du monde en 80 jours. Si Jules Verne était encore de ce monde, peut-être aurait-il pu s’étonner de l’épisode suivant, c’est à dire la propagation du variant anglais du coronavirus sur le continent, survenue comme une sorte de cadeau empoisonné en remerciement du laborieux divorce.
Le grand écrivain d’aventures scientifiques a surement apprécié, du haut du ciel et en voisin connaisseur, l’exploit récent du véhicule de la NASA posé sur Mars et chargé de collecter des échantillons de roches de la planète rouge pour y rechercher ultérieurement des traces de vie.
A l’occasion de la visite du pape en Irak, les milices de toutes sortes qui se combattent habituellement se sont coalisées pour assurer sans coup férir la sécurité du messager de Dieu et de la paix. Qui d’autre que lui aurait pu susciter cette ferveur commune en ces lieux ravagés ?
Le nouveau président américain a qualifié d’ « agression sans précédent contre la démocratie » l’invasion du Capitole par des partisans de Trump. En écoutant ces paroles, on ne pouvait manquer de les rapprocher, toutes proportions gardées, du célèbre discours prononcé par Roosevelt le lendemain de l’attaque de Pearl Harbor : « une date qui restera marquée par l’infamie ». La facilité avec laquelle les envahisseurs ont pu pénétrer dans le Congrès a trouvé sa contrepartie dans la rapidité des poursuites lancées contre les centaines d’acteurs de cette incroyable chevauchée. Parmi les nombreuses conséquences de l’éviction de Trump, je retiens volontiers celles-ci : les Etats-Unis veulent renouer avec une diplomatie fondée sur les alliances et sur les valeurs, réintégrer le comité des droits de l’homme de l’ONU, et la négociation au sein de l’OCDE sur la taxation des multinationales et des géants du numérique va pouvoir reprendre. Et aussi celle-là : l’oncle Sam veut promouvoir les droits des personnes LGBTQI (queer et intersexes) dans le monde entier, et pour cela la nouvelle administration va pourchasser les législations d’autres pays qu’elle jugera discriminatoires . Ceci montre, s’il en était besoin, que l’Amérique n’est pas près de renoncer à imposer ses vues sur la scène internationale, et que la gauche du parti démocrate pèse lourd dans les bagages déposées à la Maison Blanche.
La Chine est le seul grand pays ayant échappé à la récession en 2020. Ses démonstrations de force à Hong Kong et vis-à-vis de Taiwan , entre autres, annoncent des relations difficiles avec Washington. Dans cette nouvelle guerre froide, l’Europe semble abandonner progressivement une grande part de sa naïveté à l’égard du géant chinois ; la ministre française de la défense a dénoncé « les pratiques désinhibées » de certaines puissances. La Chine est évidemment accusée de soutenir la junte de Birmanie, dont le coup d’Etat apparait comme une sinistre répétition de l’histoire après une décennie de lent cheminement vers la démocratie. La controversée dame de Rangoon est maintenant trainée par les militaires devant un tribunal, et le nombre de tués augmente chaque jour.
La Cour européenne des droits de l’homme a demandé à la Russie la libération de l‘opposant Navalny. On peut difficilement s’en offusquer. De son coté, la Cour de justice de l’Union européenne entend parait-il imposer à l’armée française l’application d’une directive européenne sur le temps de travail, au mépris de contraintes opérationnelles pourtant assez évidentes; comme l’a écrit un conseiller d’Etat, Daech et Erdogan peuvent se réjouir.
Il faut sans doute recevoir comme une bonne nouvelle la demande faite à l’Europe par l’Iran de servir de médiatrice dans son interminable contentieux avec les USA. Pareillement, la nomination de Draghi à la tête du gouvernement italien est apparue comme un sursaut salvateur pour notre voisin transalpin, et même au-delà.
En France
Trois fédérations d’islam de France ont refusé en janvier de signer une charte de principes républicains, au motif que ce texte proscrivait l’islam politique et les ingérences étrangères. On est aussitôt tenté d’en déduire que les pouvoirs publics ont vraiment eu raison de vouloir légiférer contre les menées séparatistes. Cependant, plus d’un observateur détectent dans ce projet de loi, déjà adopté par l’Assemblée nationale, un contenu potentiellement liberticide. Par une curieuse ironie de notre histoire et de notre langue, les mots séparation (loi de 1905) et séparatisme s’entrechoquent pour obscurcir le débat.
Début mars, les trois confessions chrétiennes ont reproché au gouvernement d’ébranler l’équilibre construit depuis la grande loi de séparation, et de faire supporter aux religions autres que l’islam les conséquences de dispositions visant les dérives islamistes. Par souci (excessif ?) de ne pas stigmatiser la religion musulmane, l’exécutif semble décidé à fermer les yeux sur d’éventuels dommages collatéraux que la loi confortant les principes républicains pourrait faire subir aux autres religions. Y a-t-il aussi dans certaines fractions de la majorité parlementaire une volonté de profiter de la situation pour donner quelques coups de griffe à l’Eglise ? Le ministre de l’Intérieur s’en défend et a répondu, face à des « affirmations floues » et à des « contre-vérités » qu’il a perçues dans le débat public, que la future loi « ne menace en rien la liberté des religions » (Le Figaro 15/03/2021).
La journaliste Chantal de Rudder , ancienne rédactrice en chef du Nouvel Obs, a publié récemment Un voile sur le monde, livre dans lequel elle cherche à expliquer la propagation de ce vêtement, essentiellement depuis la révolution iranienne de 1979. Selon elle, « faire du voile le symbole de la non discrimination, c’est de la folie »; « le voile est promu dans le monde pour affirmer une visibilité antioccidentale, et il confère à l’islamisme une identité publicitaire ».
Il existe un documentaire d’Arte intitulé Jean-Paul II, le triomphe de la réaction. Comme l’a noté avec raison le commentaire de La Croix du 26/01/2021, tout est dit dans le titre. Mais la suite de ce commentaire est vraiment trop indulgente. Car s’il est vrai que des zones d’ombre entachent ce pontificat, le film trace un portrait outrancier où voisinent les approximations, les raccourcis orientés et les procès d’intention.
L’essayiste Jacques Julliard a qualifié l’affaire Duhamel de «bombe à fragmentation ». Il estime en particulier que l’effondrement de cette personnalité signifie la fin de la gauche caviar. J’avais tendance pour ma part à situer cette fin antérieurement ; je m’incline devant un grand connaisseur de la gauche. Justement, Julliard a décrit dans un autre article comment la gauche française s’est perdue selon lui : a) en prenant l’islam pour la religion des déshérités, notamment par réaction antichrétienne et b) en abandonnant les sujets de sécurité et de maintien de l’ordre.
La CIASE (commission Sauvé) a reçu 6500 témoignages. Elle publiera un rapport final à l’automne 2021 et indiquera un nombre de victimes, au moins 10 000, agressées depuis 1950. Face à la vague de révélations survenues dans la société tout entière plus récemment, dans le sillage notamment du cas Duhamel, les pouvoirs publics ne manqueront sans doute pas de s’inspirer de cette commission. L’Eglise de France reviendra prochainement sur le sujet très épineux de l’indemnisation des victimes ; il semble que la majorité des fidèles refuse de payer pour la responsabilité « cléricale », ce qui n’est guère surprenant.
Un centre de données a été sinistré par un incendie à Strasbourg. On a maintenant la certitude expérimentale que nos données, non contentes de s’évaporer dans des nuages informatiques, peuvent ensuite partir en fumée. Comme pour nous rappeler qu’elles et nous ne sommes que poussières.
Antoine Sebaux