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Observatoire Chrétien de l'Entreprise et de la Société

L'OCHRES exerce une mission d'observation des problèmes économiques et sociaux, particulièrement de ceux qui relèvent des interactions entre l'entreprise et la société.

 
 
 
 
 
 

Formation professionnelle : les errements de l’exception française Education et Formation L’apprentissage remède au chômage des jeunes

Les entreprises doivent prendre à bras le corps la relance de la production dans toutes ses composantes, en particulier la production industrielle, depuis longtemps sacrifiée face aux exigences d’une rentabilité financière à court terme : les investissements sont évidemment incontournables pour des projets rentables, mais l’importance du chômage de longue durée risque d’enrayer la reprise économique, faute des compétences nécessaires à sa mise en ouvre   

Les décisions récentes de relance des investissements productifs vont dans le bon sens[1], mais si elles ne sont pas accompagnées d’un renforcement des compétences de la main d’œuvre, la croissance risque de tourner court. Comme vient de le montrer Patrick Arthus, en s’appuyant sur l’enquête PIAAC de l’OCDE, cette faiblesse des compétences de la population active explique les difficultés des entreprises à moderniser leur capital ; elle incite au transfert des emplois vers les services peu sophistiqués…

À ces difficultés structurelles s’ajoutent des aléas conjoncturels : les travaux du CEREQ le démontrent très clairement : la récession des années 2008-2010 a rendu encore plus difficile que précédemment l’insertion des jeunes non qualifiés. Or la formation professionnelle n’a anticipé ni les apports de ces jeunes, ni l’évolution (par anticipation) des compétences requises au sein des entreprises.

Car la situation est paradoxale : au moment où le chômage s’accroit, il apparaît pour de nombreux métiers de base, en particulier dans l’industrie, des difficultés de recrutement qui vont pénaliser de nombreuses entreprises, notamment les PMI-PME. Pour ces métiers en « tension » (ajusteurs, chaudronniers, soudeurs …) il s’agit de métiers de « renouvellement » (c'est-à-dire de « flux d’entrée » pour remplacer de nombreux départs en retraite).

Les publications de France-Stratégie et de la DARES sur les « métiers en 2022 » clarifient ces concepts de « flux » et de « stock ». Certes tendanciellement, les emplois dans l’industrie (stocks) baissent, mais les embauches (flux d’entrée) restent considérables, en particulier dans les PME/PMI[2]: il faut les anticiper et former (ou reconvertir) les jeunes vers ces métiers.

Il est possible d’avoir un ordre de grandeur des postes potentiels liés à un surcroit d’activités ou à des créations de poste. Tous les ans en début d’année, Pole emploi interroge avec le CREDOC un gros échantillon d’entreprises du secteur privé sur leurs « besoins de main d’œuvre » (enquête BMO). En 2016 sur 1,8 millions de recrutements envisagés (+ 120 mille par rapport à 2015), le développement de l’activité aurait pu entrainer 1,1 millions de nouvelles embauches. Elles ne seront pas toutes lancées, car elles se heurteront à des difficultés conjoncturelles (la demande n’est pas été au rendez-vous), mais aussi à des obstacles structurels de difficultés de recrutement, faute de candidats ou de compétences suffisantes. Ainsi en 2016, les entreprises déclaraient difficile 32% des projets de recrutement, soit 570 mille personnes.

La clé de l’avenir, c’est également d’accompagner, sur le plan des « ressources humaines », les innovations qui se dégagent dans chacune des branches professionnelles. De nombreux projets émergent, par exemple dans les « start-up », dans les « Pôles de compétitivité » à base d’innovation technologique et dans le « Pôles territoriaux de coopération économique » fondées sur l’innovation sociale. Là se trouvent les « métiers d’avenir »…

Le financement des projets est pris en charge par la BPI avec beaucoup de détermination, mais la dimension des « compétences requises » reste peu explorée, même si les responsables de plusieurs Pôles de compétitivité commencent à comprendre que les recrutements de personnels formés seront beaucoup plus difficiles qu’ils ne l’imaginent ! C’est certainement le moment de prendre à bras le corps cet aspect, en généralisant pour les secteurs les plus innovants les démarches de « Gestion prévisionnelle des emplois et des compétences ».

Les méthodes sont maintenant bien rodées, mais leurs mises en œuvre restent sporadiques, selon les demandes des entreprises ou de certaines branches. Ainsi avec le soutien constant de l’ADEME, quarante « Maisons de l’emploi » viennent de produire collectivement, dans le cadre de l’Association Ville Emploi, un guide transposable à tous les territoires sur les « métiers de la transition énergétique » (état des lieux, acteurs concernés, compétences requises, formations à mettre en place, organisations efficaces, etc.…) : la « transition énergétique » ne se fera pas sans des professionnels formés et compétents ! Le développement durable entraine l’émergence de nouveaux métiers, autour de l’économie circulaire, à l’exemple des « ressourceries » ou des « recycleries », vision positive d’un traitement des déchets économe de la ressource.

L'autre domaine ou les besoins sont très importants et vont l'être encore davantage avec le vieillissement de la population, c’est celui des services à la personne et des services médicaux sociaux. Dans ce domaine, le souci légitime de qualité des intervenants se traduit par une exigence de diplôme qui, en France, privilégie les connaissances scolaires et académiques au détriment des compétences relationnelles et des qualités d'empathie pourtant très utiles dans ces fonctions

Par ailleurs le manque de financement des structures d'enseignement transforme en réalité l'examen d'aide-soignante par exemple en véritable concours avec pour conséquence qu’un top grand nombre de diplômés répugnent par exemple à s'occuper de la toilette des personnes âgées dépendantes alors que ceux qui pourraient y trouver un épanouissement professionnel en sont écartés en raison de performance académique insuffisante.

Il est donc impératif d'augmenter les capacités de formation dans ces métiers et de modifier les critères de recrutement. Des méthodes fondées sur les habiletés, les appétences et les bons comportements permettraient par ailleurs d'élargir le recrutement dans ces métiers.

La « numérisation » de nombreuses activités va modifier et sans doute mettre en porte à faux de nombreux actifs : elle supprimera des postes de travail souvent peu qualifiés ; elle va en créer d’autres. Sera-t-elle concentrée uniquement sur des métiers très qualifiés, ou les postes de travail créés seront –ils accessibles aux faibles qualifications ? Plusieurs aspects Les méthodes sont maintenant bien rodées, mais leurs mises en œuvre restent sporadiques, selon les demandes des entreprises ou de certaines branches. Ainsi avec le soutien constant de l’ADEME, quarante « Maisons de l’emploi » viennent de produire collectivement, dans le cadre de l’Association Ville Emploi, un guide transposable à tous les territoires sur les « métiers de la transition énergétique » (état des lieux, acteurs concernés, compétences requises, formations à mettre en place, organisations efficaces, etc.…) : la « transition énergétique » ne se fera pas sans des professionnels formés et compétents ! Le développement durable entraine l’émergence de nouveaux métiers, autour de l’économie circulaire, à l’exemple des « ressourceries » ou des « recycleries », vision positive d’un traitement des déchets économe de la ressource.

L'autre domaine ou les besoins sont très importants et vont l'être encore davantage avec le vieillissement de la population, c’est celui des services à la personne et des services médicaux sociaux. Dans ce domaine, le souci légitime de qualité des intervenants se traduit par une exigence de diplôme qui, en France, privilégie les connaissances scolaires et académiques au détriment des compétences relationnelles et des qualités d'empathie pourtant très utiles dans ces fonctions

Par ailleurs le manque de financement des structures d'enseignement transforme en réalité l'examen d'aide-soignante par exemple en véritable concours avec pour conséquence qu’un top grand nombre de diplômés répugnent par exemple à s'occuper de la toilette des personnes âgées dépendantes alors que ceux qui pourraient y trouver un épanouissement professionnel en sont écartés en raison de performance académique insuffisante.

Il est donc impératif d'augmenter les capacités de formation dans ces métiers et de modifier les critères de recrutement. Des méthodes fondées sur les habiletés, les appétences et les bons comportements permettraient par ailleurs d'élargir le recrutement dans ces métiers.

La « numérisation » de nombreuses activités va modifier et sans doute mettre en porte à faux de nombreux actifs : elle supprimera des postes de travail souvent peu qualifiés ; elle va en créer d’autres. Sera-t-elle concentrée uniquement sur des métiers très qualifiés, ou les postes de travail créés seront –ils accessibles aux faibles qualifications ? Plusieurs aspects doivent être abordés : le développement des « métiers du numérique »[3] et la modification des métiers exercés au sein des branches et des entreprises. Ne faut-il pas accentuer le rôle des Observatoires de métiers en ce domaine, afin d’anticiper des mutations sans doute inéluctables (plutôt que de les subir !)

La formation des demandeurs d’emploi vers les métiers en tension ou vers de nouvelles activités susceptibles de créer ou de consolider des emplois a été lancée depuis 2014 : son amplification et son affectation aux Régions est sans doute un des faits majeur de l’année 2016. D’abord concrétisé par de Conventions entre les Régions, l’Etat et Pôle emploi, le programme de formation de 500 000 chômeurs de longue durée bénéficie du système d’information de Pôle emploi grâce à  trois sources uniques : la  mesure des tensions par métier depuis des années,  l’enquête faite avec le CREDOC sur les perspectives de recrutement des entreprises (BMO)  et depuis peu une enquête qui rapproche systématiquement des offres enregistrées, la manière dont elles ont été satisfaites.

C’est en polarisant ces formations vers les « métiers en tension » et vers les « métiers d’avenir » que, peu à peu, se fera la réinsertion des chômeurs de longue durée : le succès de la formation d’adultes est d’autant plus important qu’elle est ciblée vers un emploi ultérieur.

 

 

[1] Prévu à l’origine pour un an, le dispositif de « sur amortissement » est évidemment crucial pour la relance de l’investissement productif : il faut saluer le fait que la mesure soit prolongée au-delà de 2016.

[2] Globalement la période 2012-2022 serait marquée par un marché du travail en fort renouvellement par suite des départs en retraite (8,0 millions de « postes à pourvoir », dont 6,2 millions par suite des départs en retraite) ; dans les domaines des métiers industriels (D, E, F, G) : 730 000 postes à pourvoir, tous, pratiquement, pour remplacer des départs en retraite. Source « Les métiers en 2022 » France-Stratégie-DARES, avril 2015   

[3] Le Pôle de Compétitivité « Cap digital » a ainsi créé un « Observatoire des offres d’emploi dans les métiers du numérique ». Vue la croissance rapide de ces offres, il propose avec Pôle emploi des « Forums métiers » pour les jeunes et il recourt à des recrutements par simulation des compétences qui redonnent leur chance à des actifs peu qualifiés.

 

Claude Seibel et Rose-Marie Van Lerberghe

 

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